Le projet fou de Manu Chao (1/2)

Quelques mois avant sa tournée en France, nous avons eu la chance d’accompagner Manu Chao lors d’un périple en Argentine. Lors de ce voyage, il en a profité pour retrouver ses amis de La Colifata, une radio pas comme les autres, animée par les patients du plus grand hôpital psychatrique de la capitale argentine.

Manu Chao parle de La Colifata

« Bienvenue sur LT 22 Radio La Colifata, la radio des patients de l’hôpital Borda de Buenos Aires. » Il est 14h30. Le ciel est un peu couvert et, dans la cour du Borda, c’est la grande effervescence. Aujourd’hui, l’émission – qui a lieu tous les samedis depuis 15 ans – est un peu spéciale. Un invité de marque est attendu. « Notre illustre Colifato, un ami, un membre de la famille », précise Alfredo Olivera, le créateur de cette radio pas comme les autres. Manu Chao arrive quelques minutes avant la prise d’antenne. Et il n’est pas seul. La rumeur a enflé ces dernières heures et ils sont nombreux à s’être approché du Borda pour assister à l’émission. Pour Alfredo, « la Colifata est ouverte au public, mais habituellement, une dizaine de personnes viennent nous voir. Avec la présence de Manu, nous attendons plus de monde. » Il ne croit pas si bien dire. Tout au long de l’après-midi, un va-et-vient incessant se déroule dans les jardins du Borda, devant des patients médusés, peu habitués à voir autant de monde. Les chiffres varient, mais entre 300 et 500 personnes sont présentes.

Pour Manu, c’est le temps des retrouvailles avec les Colifatos, les animateurs de la radio. Hugo, Eduardo, Alejandro sont là. Ils se jettent dans ses bras. « Comment vas-tu mon frère ? » demande Hugo, le plus ancien Colifato. Avec ses deux compères, ils ont participé au clip de Rainin’in Paradize réalisé par Emir Kusturica en mars dernier. « Un souvenir inoubliable, se rappelle Hugo qui ne veut plus lâcher le micro. Et vous savez quoi ? En plus on a été payés ! » finit-il par dire à un public rigolard. Julio, Jagger, Ever et tous les autres Colifatos semblent heureux. Ravis de revoir Manu et, surtout, de voir autant de monde. « Il faut que ce soit comme ça tous les samedis », demande Jagger sous les applaudissements nourris du public.

La présence de Manu ici n’est pas fortuite. Il suit la Colifata depuis des années. « Ce sont des gens exceptionnels, des poètes, des maîtres à penser », ne cesse-t-il de répéter. Mais, malgré le succès d’estime et médiatique, la radio est connue dans le monde entier, la Colifata vit une période difficile. « Il n’y a plus d’argent dans les caisses », annonce Alfredo. « Manu, une nouvelle fois, va nous aider. S’il est venu à Buenos Aires, c’est pour enregistrer un disque avec les Colifatos dont les bénéfices seront reversés à notre association. C’est un beau projet artistique et qui, j’espère, permettra de nous renflouer. »

L’émission du jour est donc particulière. L’équipe de la Colifata tente tout de même de suivre le conducteur établi, écrit comme d’habitude à la craie sur un grand tableau posé contre un arbre. Hugo, Julio, Eduardo, Pablo, Silvina, tous font leur chronique. Julio mène tambour battant une interview avec Manu qui, de temps en temps, prend sa guitare pour accompagner la poésie d’un des Colifatos. Le public écoute, parfois distraitement, parfois très attentivement. Car l’émission se prolonge, elle durera plus de 7 heures. Vers 19 heures, après quelques chansons en solo, les Radio Roots, amis de longue date de la Colifata, se frayent tant bien que mal un passage entre le public pour retrouver Manu. Quelques rumbas, dont un Clandestino repris en chœur par tous, et il faut songer à ranger le matériel. Beaucoup auraient souhaité prolonger la fête, mais nous sommes dans un hôpital psychiatrique. Á 20h30, Alfredo met un terme à cette émission qui restera gravée dans le marbre de l’histoire de la Colifata. 

Marc Fernandez

La Colifata : http://www.lacolifata.org

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